Notre collègue Samuel Paty a été assassiné.
Cet effroyable assassinat a été perpétré contre un professeur qui faisait son métier, c’est donc le cœur de l’école publique, laïque, qui a été visé. C’est le lieu de la transmission des savoirs, le lieu de la formation de l'esprit critique, le lieu de l'apprentissage de la liberté, de cette liberté qui ne se passe pas de celle des autres, comme le disait Hannah Arendt, le lieu de l'émancipation.
Ce professeur c'est nous. C'est nous, qui sommes enseignants et enseignantes. Nous qui mettons, toutes et tous, quand on est professeur, conformément aux programmes, les élèves en situation de réfléchir.
Ce collègue pourrait être nous, n'importe laquelle, n'importe lequel.
Ce professeur c'est nous. C'est nous, qui sommes des citoyens et des citoyennes et pour qui la démocratie c'est d'abord le dissensus, le désaccord possible, exprimé, et pas un unanimisme imposé.
Ce professeur c'est nous, mais nous le savons bien, malgré l'émotion sincère qui nous gagne, nous savons bien que nous ne vivons pas ce que vivent ses proches. Nos pensées vont aux élèves, aux familles, directement impliquées, bouleversées, marquées à jamais.
Oui, l’unanimisme est spontané contre l’horreur. S’y soustraire serait le comble de l’inhumanité.
Pour autant, cet unanimisme ne peut, et ne doit pas, masquer une série de questions qui se posent à celles et ceux qui restent, et qui vont dans les mois et années qui viennent exercer un métier à jamais différent après un tel événement.
Ces questions, celle de la laïcité, de la violence dans la société, de l’emprise sectaire, du manque de soutien et de considération envers les enseignant.es, de l’éducation aux médias et de la régulation des réseaux sociaux marchands, ces questions, nous ne manquerons pas de les poser et nous invitons les citoyennes et citoyens à s’en emparer au delà de l’émotion.
Car l’émotion qui nous submerge aujourd'hui ne nous rend pas aveugles à toutes formes d’instrumentalisation. C’est pourquoi nous nous élevons par avance contre toute tentative de récupération de ce crime contre la liberté, crime contre un enseignant , crime contre l'École.
C’est en ces termes que nous entendons porter l’Ecole avec un grand E dans les mois qui viennent, pour que la mémoire de Samuel Paty serve à l’École elle-même, à toute la communauté éducative, à la nation française, à toutes les nations, en un mot à la paix.
Nous vous invitons à présent à une minute de silence à la mémoire de Samuel Paty.