bannière site snes72

Après les épreuves de spécialité organisées en mars, des professeurs remarquent une nette baisse de motivation en classe, et même de l’absentéisme de la part d’élèves « déjà en vacances ».

Stress accru, programmes difficiles à boucler… La nouvelle formule du bac ne fait pas l’unanimité. Pour la première fois depuis la réforme de 2019, les lycéens ont dû plancher sur les épreuves de spécialité en mars, afin que les notes comptent dans Parcoursup. Durant les ultimes révisions, des professeurs interrogés sur ce calendrier s’inquiétaient de voir certains élèves « se sentir déjà en vacances » après la parution des résultats, le 12 avril.

Qu’en est-il, en ce début du mois de mai ? Lycéenne dans l’agglomération de Rennes (Ille-et-Vilaine), Anouk remarque en effet « une baisse de motivation en cours » : « Les devoirs ne sont plus faits. Avoir de bonnes notes n’est plus un enjeu puisque les dossiers Parcoursup sont complétés depuis longtemps, raconte la Bretonne de 17 ans, qui se dit elle-même démotivée. Il reste des chapitres à étudier, mais personnellement, je ne fournis plus le même travail par rapport au début d’année. Ça ne sert à rien.»

Une reconquête du mois de juin, vraiment ?

Pour soutenir sa réforme du bac, l’ex-ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer avait pourtant souligné une volonté de « reconquérir le mois de juin », « paralysé » selon lui par l’organisation de l’examen. Quatre ans après, Gwenn Thomas-Alves, président du syndicat lycéen Fidl et scolarisé dans le Val-de-Marne, estime que le pari « est complètement raté. De nombreux élèves de terminale ne viennent plus en cours car ils savent qu’ils sont déjà bacheliers », râle le jeune militant de 17 ans, qui plaide pour un retour de l’ensemble des épreuves en fin d’année scolaire.

« Grâce à des simulateurs en ligne, les élèves peuvent calculer s’ils sont admis dès le mois d’avril », confirme Fabienne Delannet, professeure d’arts plastiques dans l’Ouest. S’il reste encore l’épreuve de philo, le 14 juin, et le Grand oral à passer dans la foulée, les notes de spécialité comptent pour un tiers dans la moyenne finale. Pour le contrôle continu, c’est 40 %. De quoi tuer le suspense pour de nombreux candidats, trois mois avant que les résultats finaux du baccalauréat ne soient dévoilés, le 4 juillet. Conséquence : le troisième trimestre a perdu de l’intérêt aux yeux de certains élèves. Enseignant à Nantes (Loire-Atlantique), David Blanchard a récemment surveillé le bac blanc de philo : « La moitié de la salle est sortie au bout d’une heure », illustre-t-il. Sur les réseaux sociaux, d’autres professeurs, nombreux, déplorent eux aussi la motivation en chute libre des lycéens et des cours séchés à répétition.

Dans sa classe d’un lycée nantais (Loire-Atlantique), Brigitte Watteau note que « les élèves souvent absents durant l’année le sont encore plus ». Mais la professeure de lettres tempère : « Les autres sont présents pour travailler le Grand oral. Ils savent que c’est une bonne entrée pour se familiariser avec le travail autonome exigé à l’université. »

« L’école, ce n’est pas à la carte »

Dans un autre établissement de la ville, Lise Bailly avait « des inquiétudes avant les vacances d’avril, mais tous mes élèves de spécialité SVT sont venus en cours », annonce-t-elle, avant d’ajouter : « Et il vaut mieux. Dans ma matière, le dernier quart du programme pourra être demandé comme sujet au rattrapage, contrairement à d’autres spécialités. » À Laval (Mayenne), le proviseur du lycée Douanier-Rousseau, Jean-Noël Godet, se dit aussi « agréablement surpris », et n’a pas observé une hausse particulière de l’absentéisme au sein de son établissement, «en dehors des journées de blocage contre la réforme des retraites».

Professeure d’espagnol d’une classe de terminale STMG, Corinne Bolaños constate en revanche « une absence accrue. Il me manque entre 50 et 75 % des effectifs. »

Du côté du ministère de l’Éducation nationale, on ne conteste pas cette réalité. Si Pap Ndiaye n’a pas « de données nationales » à fournir sur le taux d’absentéisme, il concède « entendre les remontées du terrain ». Dans une interview accordée récemment à Ouest-France, le ministre grondait : « Les lycéens doivent assister aux cours du premier au dernier jour. L’école, ce n’est pas à la carte. »

Dans son bureau de la rue de Grenelle, il insistait également sur « les notes du troisième trimestre » du contrôle continu qui seront « intégrées dans Parcoursup pour tous ceux qui n’auront pas de réponse ou des réponses ne correspondant pas à leurs souhaits ».

Une perspective qui n’inquiète visiblement pas Antoine (prénom modifié). Ce lycéen parisien reconnaît « avoir totalement lâché » après avoir découvert ses « bons résultats » aux épreuves de spécialité : « Donc avant les vacances, avec des copains, on a loupé deux-trois cours. » Pourquoi ne pas viser la mention ? « Honnêtement, je m’en fiche un peu, répond-il. La philo, le Grand oral, ce sera du bonus. Ensuite, j’irai à la fac, dans une filière qui n’est pas sélective. Donc pas de stress de ce côté-là ! »

Johan BESCOND.

Mercredi 10 mai 2023, Ouest-France

Notre commentaire :

Alors ça c'est bizarre ; on ne l'avait pas du tout vu venir ! Mais quel est le techocrate déconnecté des réalités de terrain qui a cru que l'on pouvait organiser le bac en mars ?

Il y a quelques années le ministère proclamait qu'il fallait reconquérir le moi de juin. Moyennant quoi nous avons perdu mars avril et mai !

Nous voulons pour le bac un retour des épreuves terminales en juin !

Le Kiosque

publi123 publi123 publi122 publi121
N° 124 N° 123 N° 122 N° 121