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« Je vis dans la peur » : cette famille se bat pour ne pas se retrouver à la rue

Prudence Royan a fui le Tchad pour éviter l’excision à ses filles. Sa demande d’asile rejetée, elle doit quitter son logement pour d’autres familles en attente et risque de vivre dans la rue.

Des frissons pendant trois minutes puis une ovation. Ce vendredi 16 juin 2023 à l’Espal, Chance, 15 ans, est émue aux larmes devant une salle qui l’acclame. La collégienne tchadienne, scolarisée au collège Costa-Gavras, au Mans, vient de terminer le discours qui l’a vue remporter le coup de cœur du jury au concours d’éloquence organisé par la préfecture de la Sarthe.

Le sujet ? Le droit d’accès à l’école des jeunes filles au Tchad. Cela me tenait vraiment à cœur d’en parler. Au Tchad, la scolarisation des filles pose problème. Dans la culture tchadienne, la femme est faite pour procréer, sa place est dans la cuisine afin de faire à manger aux hommes et de s’occuper des travaux ménagers. Une fille doit être préparée ou éduquée pour ses tâches futures. Pas pour aller à l’école, qui est payante , témoigne la collégienne.« J’ai habité au Tchad jusqu’à mes 14 ans. Plus jeune, je voyais souvent une amie qui ne fréquentait pas l’école. Quelques années plus tard je l’ai revue devant chez elle, un enfant à la main et un autre dans le ventre. Elle m’a confié avoir été mariée de force. Le poids de la tradition ancienne dévalorise la femme. L’État doit sensibiliser la population à envoyer et maintenir les filles à l’école. Dans mon discours, j’ai voulu interpeller l’État tchadien et lui dire : Éduquer une fille, c’est éduquer toute une nation .

La demande d’asile rejetée

La famille de Chance, arrivée en France précisément pour que les trois enfants aient une éducation , a été mise en demeure par la préfecture de quitter l’appartement où elle est logée par l’association Nelson-Mandela. La famille n’a plus le droit de rester dans cet hébergement d’urgence, sa demande de demandeur d’asile ayant été rejetée deux fois.

Je vis dans la peur de me retrouver à la rue. Nous avons reçu le courrier le 24 mai 2023 et nous avions quinze jours pour partir sous peine d’être expulsés , témoigne la mère de Chance, Prudence Royan. Maman de trois enfants âgés de 10, 13 et 15 ans, Prudence Royan a fui son pays parce que ses deux filles y étaient menacées. Ma belle-famille veut les exciser, ils auraient pu les enlever pour le faire. Je ne veux pas que mes filles vivent ses atrocités ni qu’elles soient mariées de force. Mon mari et moi sommes enseignants au Tchad. Nous voulons tous deux que nos trois enfants soient éduqués et étudient, qu’ils deviennent des citoyens responsables. C’est notre désir le plus ardent. Comment ma fille va-t-elle pouvoir passer son brevet si nous sommes à la rue , interroge-t-elle ? Aujourd’hui, Prudence Royan fonde ses espoirs sur l’école et les autorités françaises pour nous autoriser à rester vivre ici .

Une école qui a permis à sa fille d’exposer ce qu’elle avait sur le cœur lors de ce concours d’éloquence. Je suis extrêmement fière de Chance. Elle connaît l’importance de l’école, elle a porté la voix des filles tchadienne qui n’en ont pas, celles qui n’ont pas le droit de s’exprimer. Le discours de Chance, diffusé sur TikTok , a déjà été vu plus de 37 000 fois.

« La famille doit quitter son logement » confirme la préfecture

Contactée, la préfecture de la Sarthe assure qu’aucune expulsion du territoire n’est prévue pour la famille de Prudence Royan. Elle doit en revanche quitter son logement pour laisser place à d’autres familles en attente de leur demande d’asile , précise-t-on, laissant entendre qu’aucune mesure d’expulsion du logement ne sera prise avant la fin de l’année scolaire.Ensuite, trois possibilités s’offriront à la famille : redéposer une demande de titre de séjour et solliciter un hébergement d’urgence, trouver un logement ou mobiliser l’aide au retour volontaire pour rejoindre le Tchad. Une dernière option que refuse Prudence Royan.

Le Maine Libre (site web), lundi 19 juin 2023, Sophie Tougeron

Notre commentaire : alors là nous atteignons les sommets de la schizophrénie ou de l'hypocrisie. La préfecture récompense d'un côté une élève pour avoir brillé lors d'un concours d'éloquence où elle a défendue la cause de la nécessaire émancipation par l'école des jeunes filles tchadiennes. Et de l'autre elle expulse cette même élève quitte à ce qu'elle retourne au Tchad et qu'elle y retrouve les conditions qu'elle avaient voulu fuir et dénoncées dans son exposé. Où sont au juste les valeurs de la République ? Dans le premier geste de la préfecture ou dans le second ?

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