Affaire rare que celle de harcèlement moral dans un collège public, évoqué hier au tribunal correctionnel. Les faits remontent à la période 2005 et 2008.
 
Le tribunal s'est donné un mois pour rendre sa décision dans une affaire complexe de harcèlement moral dans un collège public. La procureure Rieutort, elle-même, s'en est remise à la « sagesse » du tribunal.
« Le harcèlement moral, a-t-elle rappelé, n'est pas défini dans ses actes, mais dans ses conséquences » : la dégradation des conditions de travail, l'altération de la santé physique... « On ne peut condamner que sur des preuves, et dans ce dossier il n'y en a pas. On sait aussi qu'il n'est pas facile d'exercer des fonctions d'autorité. »

 

Reproche n'est pas harcèlement

 

Au coeur du débat d'hier, ce qui s'est passé au collège Val-d'Huisne de La Ferté-Bernard entre 2005 et 2008. Le principal d'alors est poursuivi pour harcèlement moral par un agent d'accueil muté sur le poste de gestionnaire, en vue d'une titularisation.
Un poste lourd. Trop, visiblement. Pour la victime, c'est parce que « l'on ne m'a pas donné les moyens de secrétariat nécessaires ». Le principal évoque, lui, des « compétences limitées ». À la victime qui se plaint de reproches répétés de la part de son supérieur, le président Manet rétorque que « des reproches ne sont pas nécessairement du harcèlement ».

« J'ai pensé au suicide »

L'autre victime, c'est une enseignante. Également représentante de Sud-éducation au conseil d'administration du collège. Suite à des problèmes rencontrés par certains de ses collègues, elle est intervenue en leur nom auprès du principal. « Et là, l'enfer a commencé », raconte-t-elle au bord des larmes.
Les convocations « en plein milieu des cours » ; les « interrogations » après une réunion où elle a été « inattentive »... Elle dit être venue chaque jour au collège « la peur au ventre ». Qu'elle s'est « sentie comme une merde ». « J'ai connu une vraie situation de harcèlement. J'ai pensé mettre fin à mes jours. Je l'aurais fait dans ma classe. Pour interpeller. »
Pourquoi en tant que déléguée syndicale ne pas avoir réagi, « ne pas avoir signalé ces agissements à la hiérarchie ? », interroge, surpris, le président. « C'est plus difficile quand c'est pour soi. Et puis je ne pensais pas qu'on pouvait remettre en cause un supérieur hiérarchique. »

Deux camps

Le principal qui, depuis, a quitté la Sarthe, reconnaît des « relations tendues » avec elle. Mais, poursuit-il, quand on est chef d'établissement, on sait comment sont les délégués de Sud : solides et très au fait du droit. S'il y en a avec qui on prend garde à être dans les clous, c'est bien eux ! »
Tous les personnels du collège ont été interrogés. La majorité des propos sont élogieux à l'égard du principal. Même si ses habitudes de « convocations, pour des entretiens longs », en agaçaient plus d'un. Certains ont aussi évoqué « des personnels sortis en pleurs du bureau », mais sans en préciser la raison. Ses adversaires parlent eux d'un « manipulateur qui se comportait comme un gourou de secte ». Décision le 25 janvier 2012.

Laurence PICOLO.

Ouest-France - Edition du 23 décembre 2011