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Ça sent la campagne... mais pas l'air pur

Faute de pouvoir dresser un bilan positif de son action, faute de vouloir aborder les questions qui préoccupent vraiment la société française et faute d'idées neuves, le président-candidat compte sur les vieilles recettes pour rallier les suffrages. Et quoi de plus éprouvé que la vieille technique des boucs émissaires que l'on suppose haïs de tous ?

Aveuglé idéologiquement et sourd à toutes les enquêtes d'opinion qui, les unes après les autres, réaffirment que les Français sont attachés à leurs services publics, le président-candidat croit pouvoir faire consensus en dénigrant une fois de plus les fonctionnaires. Et parmi les fonctionnaires qui les Français préféreraient voir égratigner ? Les enseignants bien sûr ! Pensez des privilégiés qui passent leur vie en vacances ! Alors on y va et on tape dur quitte à enchaîner des mensonges tous plus gros les uns que les autres.

Les professeurs du secondaire ne font que 18 heures par semaine. Scandale ! Diffamation surtout. Car tout le monde sait bien, à commencer par le ministère lui-même qui a commandé une étude sur la question, que le temps de travail hebdomadaire moyen d'un certifié dépasse 42 heures. On est loin des 35 heures ! Mais admettons. Que faudrait-il faire pour remédier à cette situation proprement insupportable ? Faire en sorte qu'ils soient présents 26 heures dans leur établissement. Mais quel enseignant ne passe pas déjà ce temps sur son lieu de travail compte tenu des « heures de trou », des réunions et autre concertation ? Mais encore une fois admettons. Pourquoi faudrait-il atteindre ce temps de présence ? Alors là l'explication vaut son pesant de cacahouètes. Parce qu'il n'y a plus assez d'adultes dans les établissements. Quand on sait que l'argument est assené par celui qui a supprimé 80 000 postes en 5 ans, on se dit qu'il fallait quand même oser !

Mais ça, c'est ce qui est annoncé. N'oublions pas les coups bien réels qui viennent d'être portés pour séduire un électorat ulcéré par la classe de nantis que nous formerions et pressé d'en finir avec le summum de l'injustice sociale que nous constituerions. Ainsi depuis le premier janvier 2012 est instaurée une journée de carence.en cas d'arrêt maladie L'argument de l'équité avec le privé ne tient pas puisque les salariés de ce secteur sont majoritairement couverts par leurs conventions collectives ? Des fonctionnaires risquent de renoncer à leur arrêt maladie, risque de venir malades au travail et de contaminer le public avec lequel ils sont en contact ? Pas grave car l'essentiel est de nous châtier en place de Grève afin de satisfaire une prétendue vindicte populaire.

Ajoutons à cela la réforme absurde de l'évaluation des personnels d'enseignement, d'éducation et d'orientation en passe d'être adoptée au Parlement et on pourra se dire que si l'on n'existait pas, il faudrait nous inventer. Ne serait-ce que pour donner du grain à moudre aux candidats à la peine avec les vrais problèmes d'emplois, de pouvoir d'achat et d'inégalités sociales devenues réellement insupportables. Mais nous exagérons. Il est vrai qu'il était temps d'en finir avec ce système où quels que soient les talents, les mérites et les vertus tout le monde avançait et au même rythme qui plus est. C'est vrai, chacun sait que la rémunération au mérite n'existait pas dans l'enseignement. C'est si vrai que la première chose que l'on expliquait à un jeune reçu au concours c'est qu'entre une carrière à l'ancienneté et une carrière au grand choix, il y avait l'équivalent d'une maison d'écart. Et comment se faisait la différence ? Par les inspections. Exit les inspections. Ce système était loin d'être parfait mais il prenait au moins en compte la dimension centrale de notre métier : la pédagogie. Maintenant l'avancement dépendra uniquement du bon vouloir, pour ne pas dire de l'arbitraire, des autorités locales. Il va y avoir intérêt à être dans les petits papiers du chef ! Mais au fait, des deux systèmes, lequel prend le plus en compte le mérite ? L'objectif affiché de départ est perdu de vue en cours de route ? Pas grave, une fois encore. Ce n'était de toute manière pas l'objectif réel que l'on peut résumer ainsi : reprise en main de la profession et satisfaction des attentes supposée de l'électorat.

Un autre parfum délétère vient vicier l'air de la campagne. On y parle beaucoup ces jours derniers de laïcité. Mais uniquement lorsqu'il s'agit de viande hallal. C'est curieux comme certains ne redécouvrent ce principe fondateur de la République pour ne l'utiliser que lorsqu'il est question de la religion musulmane et des musulmans qui sont allègrement assimilés à des étrangers. Disons le tout nettement, cette laïcité-là a des relents de racisme pur et simple. Et pourtant, il y aurait vraiment à dire car la laïcité est effectivement menacée. Nous assistons à une offensive majeure des Églises, en particulier sur l'École. Pour preuve, le secrétaire de la congrégation pour l'éducation catholique du Vatican, l'archevêque français Jean Louis Bruguès souligne que l'école, "point crucial pour notre mission", pourrait devenir "le seul lieu de contact avec le christianisme". En 1987 déjà, lors de l'assemblée de l'épiscopat, l'évêque Jean Vilnet déclarait que l'heure lui semblait venue de "travailler avec d'autres à redéfinir le cadre institutionnel de la laïcité" permettant à l'Église de conquérir de nouveaux privilèges. C'est d'ailleurs à cette aune qu'il convient d'appréhender un événement tel que l'organisation de l'exposition sur la Bible au lycée Montesquieu. Mais ceux qui instrumentalisent la laïcité pour chasser sur les terres du front national ne peuvent dénoncer cette menace car, en définitive, ce sont eux qui ont très tôt contribué à malmené ce principe en déclarant par exemple que jamais l'instituteur ne pourra égaler le prêtre où le pasteur dans la transmission de valeurs morales.

Décidément, vivement le printemps que l'on puisse ouvrir la fenêtre !

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