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Un article du « Maine Libre » du lundi 8 avril 2013 mettait en avant « l'autre façon d'évaluer les élèves » De quoi s'agit-il au juste ? D'une expérimentation en passe de gagner du terrain qui supprime l'évaluation chiffrée pour les classes de 6ème en y substituant une évaluation intégralement faite par compétences. Cette démarche nous interroge à plusieurs titres :

- d'abord parce qu'elle développe à l'extrême une logique alors même que le Ministre a choisi de réduire la pression en simplifiant considérablement la procédure de validation du livret de compétences pour la cession 2013 du Brevet. Et pourquoi l'a-t-il fait ? Parce qu'il a entendu l'expression quasi unanime des salles des professeurs qui disait que cet outil était une véritable « usine à cases », de l'aveu même des collègues pourtant initialement les plus décidés à l'utiliser. L'intitulé des items, en particuliers pour les compétences transversales, est en effet totalement abscons, tant pour les professeurs que pour les élèves et leurs familles. Il nous semble donc que vouloir imposer cette méthode au moment où, du haut en bas, de l’éducation nationale, on s'interroge sérieusement sur sa pertinence, c'est aller à contre courant de l'évolution.

- Ensuite nous ne nions pas l'intérêt de l'expérimentation, à condition qu'on ait quelques raisons de penser qu'elle est de nature à améliorer l'existant. Or nous ne voyons pas très bien en quoi une évaluation par compétence permettrait de « désamorcer l'angoisse du contrôle ». Un élève sait quand il est en situation d'évaluation. Que cette évaluation se solde par une lettre (A,B,C,D), une note chiffrée ou vignette verte, orange ou rouge ne change pas grand chose à l'affaire. D'autant plus que tout autre système que la note est spontanément retraduit par une valeur chiffrée (A = 20, B = 15, C = 10...). Lors d'un entretien d'embauche, on n' attribue pas de note et pourtant il serait faux de dire que les candidats s'y présentent sans appréhension.

De même, les promoteurs de l'évaluation par compétence soutiennent qu'elle est « moins dévalorisante pour les élèves en difficulté». Il faudrait nous expliquer en quoi une évaluation qui revient pleine de vignettes rouges est moins stigmatisante et moins décourageante qu'un 6 ou un 7. Cette note dit aussi que tout dans la copie n'est pas mauvais, qu'il y a aussi des choses qui ont été réussies. En outre une note ne tient que des propos limités : elle dit seulement « cette copie, celle qui a été rendue ce jour vaut tant ». Elle ne porte aucun jugement sur l'élève, sur ses dispositions, sur ce qu'il est. En cela, il nous semble qu'elle est plus respectueuse.

Pour nous, plutôt que de foncer tête baissée dans une voie qui a d'ores et déjà montré toutes ses limites, il est plus urgent de mettre sur pied une évaluation véritablement transparente et accessible pour les élèves et les familles. Que cette évaluation intègre la prise en compte de compétences, cela va de soi. Quel enseignant à jamais pu imaginer qu'il ne transmettait que des savoirs ? Nous espérons tous aussi faire acquérir des compétences. Mais pour que leur évaluation ait un sens, il faut qu'elle s'ancre d'abord dans un cadre disciplinaire et qu'elle s'articule parfaitement aux différents programmes. Et, pour encore plus de sens, il est nécessaire que ces programmes soient conçus dès le départ avec des passerelles et des points de passages entre eux. Ce qui est anxiogène, c'est ce qui est incompréhensible. Redonnons du sens à nos enseignements, et la note ne sera pas plus stressante que n'importe quel autre indicateur.

Ajoutons que ce qui est visé par l'évaluation par compétences intégrale est une disparition du cadre disciplinaire de nos enseignements au profit d'une mesure des « savoirs être » et des « savoirs se comporter ». Le prima de ces compétences transversales rend superflu tout haut niveau de qualification disciplinaire des enseignants et ouvre la porte à des services partagés entre le premier et le second degré.

Ivan Gâche et Lionel Quesne, co-secrétaires départementaux du Snes-FSU

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