Communiqué

Frédérique ROLET
Roland HUBERT

Co-Secrétaires Généraux du SNES-FSU

à

Madame Najat VALLAUD-BELKACEM
Ministre de l’Éducation Nationale
110 rue de Grenelle 75007 PARIS
 
Paris, le lundi 30 mars 2015

OBJET : projet de réforme du collège

Madame la Ministre,

Vous avez mis en discussion avec les organisations syndicales un projet de réforme du collège. Le collège rencontre d’énormes difficultés qui conduisent trop d’élèves au renoncement et placent les personnels en souffrance professionnelle. Il est donc nécessaire de lui permettre de trouver la voie de la réussite et de l’égalité. Et c’est fort de cette conviction que le SNES-FSU vous avait adressé en janvier un courrier, posant le diagnostic des problèmes du collège et ses doutes par rapport aux axes censés guider la future réforme. Sans réponse de votre part, nous nous sommes cependant engagés dans les discussions et avons développé nos propositions.

Le SNES-FSU prend acte de l’affichage, dans votre projet, du maintien de la structuration disciplinaire des enseignements et de l’augmentation de l’horaire professeur sur le cycle 4, la classe de sixième posant un problème particulier en diminuant l’horaire disciplinaire des élèves pour installer une aide déconnectée des disciplines.
Cependant, ce projet est essentiellement fondé sur deux principes qui mériteraient un débat large avec les personnels : l’autonomie des établissements et l’interdisciplinarité.

Vous avez exprimé au Conseil supérieur de l’éducation votre respect des enseignants et affirmé ne pas vouloir conduire de réforme contre eux. Les personnels d’enseignement, d’éducation et d’orientation qui travaillent dans le second degré ont un haut niveau de qualification, et il serait incompréhensible qu’un projet de réforme du collège ne respecte pas leur professionnalité. Ils ont besoin de temps avec leurs élèves, de possibilité de concertation, de respect de leur liberté pédagogique. Ils acceptent, évidemment, le principe hiérarchique mais refusent la mise en place de hiérarchies intermédiaires dans les établissements et la mise sous tutelle du chef d’établissement, en particulier sur le plan pédagogique. Ainsi le SNES-FSU ne peut accepter la multiplication de conseils divers et de prescriptions de toute nature, la normalisation des pratiques et la vérification tatillonne de l’accomplissement des missions qui ont peu à voir avec « l’autonomie » qu’on prétend donner aux personnels. C’est pourtant ce que votre projet, en lien avec les décrets sur la définition des différents conseils et la circulaire sur les missions particulières, mettrait inévitablement en place !
Les enseignants n’acceptent pas cette autonomie qui n’est pas celle de personnels qualifiés et reconnus, mais celle d’un maillon de la chaîne hiérarchique. La dotation laissée à la discrétion des établissements reproduira les problèmes rencontrés au lycée, en mettant en concurrence les disciplines et les enseignants, en renvoyant au local la gestion de moyens insuffisants, en dégradant les conditions d’apprentissage des élèves. Ils refusent une gouvernance qui pousse les établissements à différencier leurs objectifs selon leur recrutement et les pressions sociales, au détriment d’un égal accès de tous les jeunes à la culture et aux savoirs. C’est pourquoi nous demandons notamment qu’aucun horaire disciplinaire ne soit globalisé ou annualisé, que soient rétablis dans les grilles horaires les dédoublements existant dans les disciplines expérimentales et en technologie, que les enseignements de langues anciennes et régionales soient financés et qu’une réflexion large soit ouverte sur l’enseignement des langues vivantes au collège et au lycée.

Si le SNES-FSU a toujours porté l’idée qu’une réforme du collège passait aussi par une réflexion sur les contenus enseignés et les possibilités de varier les approches pédagogiques en donnant une place à l’interdisciplinarité, il ne peut accepter la notion « d’enseignements pratiques interdisciplinaires », qui relance le débat totalement dépassé entre enseignement pratique et enseignement théorique avec, de surcroît, des enseignements interdisciplinaires conçus sur des thèmes qui sont surtout des affichages politiques et dont l’intérêt pédagogique reste à démontrer. L’interdisciplinarité construite progressivement dans et avec les disciplines doit rester, selon nous, un outil, au lieu de constituer une fin en soi. Nous souhaitons que vous laissiez se développer les formes d’interdisciplinarité en donnant aux enseignants les outils dans les programmes, comme le Conseil supérieur des programmes se proposait de le faire en repérant des « objets riches » et en octroyant du temps de concertation, au lieu d’imposer des démarches et des contenus proches de ceux des précédents itinéraires de découverte, sans lien avec les programmes, ce qui a conduit la profession à les rejeter.

Vous savez qu’une réforme ne peut se faire sans l’adhésion des personnels chargés de la mettre en œuvre. Pourtant vous avez fait le choix, jamais vu dans l’histoire du système éducatif français, d’une réforme bouclée en trois semaines sans consultation directe ou même sans réelle possibilité de mise en débat dans les établissements. Votre ministère aurait-il peur de connaître l’opinion des personnels qui sont directement concernés par cette réforme ?
En tout état de cause, nous considérons qu’une présentation du projet au CSE du 10 avril n’est plus envisageable.

Madame la Ministre, pour le SNES-FSU, votre projet doit être revu, au moins sur ces deux points que nous considérons comme centraux, et le calendrier doit être considérablement desserré.

Nous restons, Madame la Ministre, dans l’attente d’éléments de réponse qui détermineront notre positionnement dans la réunion de mardi prochain.

Veuillez croire, Madame la Ministre, à notre attachement au service public de l’Education Nationale.

Frédérique ROLET Roland HUBERT

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