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Témoignage d’un collègue qui a subi la formation imposée

Lundi 23 et mardi 24 novembre, j'ai subi avec 6 autres de mes collègues la formation imposée sur la Réforme du collège.

Le principal du collège Le Marin d'Allonnes nous accueille avec des formules telles que : "entre gens intelligents, ne pas tomber dans des affrontements stériles, essayer d'être constructif.... ). Autrement dit, avant que cela ne commence, l'administration sent déjà et redoute même les clashs....
Puis nous avons droit au traditionnel tour de table : noms, prénoms, collèges respectifs alors même que tout est écrit sur des chevalets. Ça sent déjà le remplissage ! Un enseignant de Maths se trahit tout seul en disant aux formateurs : " de toute façon moi je suis comme vous, je suis positionné sur le J3, J4, je leur ferai les contenus disciplinaires »….Cela ne l’a pas empêché de demander si l’AP était en plus ou prise sur les cours… C’est dire son niveau de compréhension.

1er atelier : nos représentations de l’élève… La ficelle était grosse pour nous amener vers la culpabilisation, revoir nos pratiques avec comme aboutissement le « alléluia » : la réforme nous apporte de « vrais chances » pour revoir notre pédagogie, mauvais profs que nous sommes.
Évidemment, faire coller des petits papiers au tableau avec écrit « hétérogènes »… ça nous présente bien la Réforme (soupirs….).

Je dois préciser que nous n’étions que des enseignants de REP ou REP+… nous attendions donc des réponses particulièrement adaptées. Que nenni : pas de réponses adaptées… à dire vrai aucune réponse du tout. Par contre nous, nous avions fait le boulot. Chaque collège avait de réelles questions (plus ou moins volontairement proches d’ailleurs de ce que le SNES a mis dans sa diffusion). Mais nous nous étions refusés à les leur envoyer dans les 3 jours précédents… car d'abord, on n’envoie pas des trucs le week-end et puis ils sont quand même déchargés de cours pour faire cela, ils auraient pu bosser un peu avant, non ?

Ensuite, on nous a fait choisir dans une liste de 11 choix les besoins prioritaires de l’élève afin que de manière extrêmement légère et subtile la proposition « avoir des résultats satisfaisants au DNB » arrive bien loin derrière… Vous savez ainsi ce qu’il faut en conclure sur le DNB, le DNB futur et l’importance que lui accorde l’administration.

Etape suivante : on nous a sommairement expliqué la réforme avec le renforcement du conseil pédagogique (à chaque fois j’insiste sur le fait que cette instance n’est pas élue !), l’AP et EPI… Là, j’ai été sidéré de voir que des collègues (même de lettres classiques) découvraient encore ce qui allaient leur arriver et trouvaient le moyen de critiquer l’inertie des syndicats (Ils devaient parler des autres!) !).
Puis, on nous a filé un EDT (le même qu’à une formation précédente) super bien ficelé : celui d'une classe ou tout le monde fait anglais allemand et où aucun cours ne finissent après 16 h 00. Et on nous a demandé de placer de l’AP et deux EPI .Bon, comme de par hasard, il y avait déjà un moment dans l’EDT ou l’EPS et la SVT étaient en miroir… c’est vous dire si l’EPI corps-santé était téléphoné !
Juste avant, on nous avait dit que l’on devait vraiment partir de projet et là on venait de faire l’inverse. Justement, ensuite, la formatrice a essayé de nous vendre la pédagogie de projet… qu’elle ne maîtrisait pas ! Je ne sais pas si vous allez voir ce que je veux dire mais j’ai eu l’impression de revivre, en moins bien, ce que je faisais lorsqu’en formation BAFA j’expliquais à des gamin(e)s de 16-17 ans ce que doit être un projet d’animation… Globalement, nous nous sommes d’ailleurs souvent sentis déconsidérés, méprisés, réduits du stade de cadre à celui d’exécutant, de concepteur à gentil animateur…

On est passé à un « bien/pas bien », où on nous proposait des phrases hyper stéréotypées et outrancières. Souvent, les groupes ont refusés de répondre ou de réfléchir aux questions gnangnan posées et en ont profité pour réfléchir à « comment essayer de gérer ce bordel pour la prochaine rentrée dans mon établissement».

Fin du 1er jour : on nous demande de mettre deux mots sur deux post-It pour qualifier la journée… je fais un petit tour pour voir : les mots suivants reviennent en boucle « vide, décevant, inquiétant, temps perdu… ». Cette évaluation anonyme… devait être remise en main propre à la formatrice ! C’est beau l’anonymat ! Les collègues ne se sont pas dégonflés !

Ces post-It devaient être repris le lendemain… Nous attendons encore ! Le duo comique n’était d’ailleurs pas bien synchro et le mardi matin le formateur (SVT) a dit à la formatrice : « bon, je te laisse te débrouiller avec tes post-It ! ».

Celle-ci nous dit que cette réforme ne doit pas nous inquiéter, qu’elle n’est ni révolutionnaire ni exceptionnelle. Je prends la parole pour lui dire qu’elle n’est pas révolutionnaire mais que changer tous les programmes en une année et décharger des enseignants à temps plein ou à mi-temps pour former les autres sont bien des mesures d’exception. Pas de réponse.

La journée qui suit est extraordinaire : on nous bassine une partie de la journée avec la différenciation (la fameuse image où vous avez un mammouth, un poisson, un morse, un singe… qui doivent tous grimper à l’arbre… inutile de vous dire comment on s’est bien marrés !). Sauf, qu’on nous abreuve de « Il faut, Ya ka, les professeurs doivent… »
Nous rétorquons que ce n’était pas l’intitulé sur les ordres de mission : là grand moment, on nous sort un autre intitulé de formation bien fumeux : « Quels contenus d’apprentissage et quelles pratiques pédagogiques et éducatives pour le nouveau collège ? »
Du coup, histoire d’embrouiller encore plus les collègues déjà bien chauds, on ajoute les parcours (citoyen, avenir, artistique et culturel, de santé…). Certains sont perdus (regard fuyant, stress)… La formation est la meilleure arme que nous ayons : plus les formateurs expliquent (mal au passage), plus ils obligent les collègues à rentrer dans les clous en imaginant à l’avance des situations pédagogiques liées à la réforme, plus l’hostilité monte…

Un collègue se lance dans une tirade destructrice envers la réforme … Les formateurs ne trouvent rien à répondre, si ce n’est « nous on est comme vous, on doit appliquer »

L’après-midi est surréaliste : on multiplie les entrées dans tous les sens sur l’AP, les EPI… On liste ce que l’on fait dans nos établissements et nous demande en quoi cela pourrait entrer ou être améliorer avec la réforme… du coup, les collègues réalisent tout ce qu’ils font déjà (souvent énorme) et que la réforme, sous couvert d’autonomie, les empêchera désormais de réaliser !!!
On en vient à voir comment détourner le concept d’EPI, voir comment essayer de modéliser la DHG ... Les collègues voient d’ailleurs que l’enveloppe d’autonomie est vite mangée et qu’en fait il faudra choisir entre matières, entre groupes ou co-animation… Grâce à la mise en situation, ils perçoivent bien le risque de guerres intestines !

Pour finir, je distribue même mes petites cartes postales « Abrogation de la réforme.. » Un seul collègue me la rend fort poliment !

Tout le monde repart convaincu que cette chance unique est un « machin impraticable » auquel on ne donne que deux ou trois ans d’application… Tout le monde redoute tout de même les lourdes conséquences sur lesquelles il sera difficile de revenir (destruction du latin-grec, de l’allemand, entrée de la semestrialisation, querelles entre équipes, disparition accélérée de la note pour une imposition de l’évaluation par seules compétences, liberté pédagogique réduite derrière des affichages de projets…).

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