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De prime abord on pourrait penser que la loi dite « Travail » et la « réforme » du collège correspondent certes à des projets de transformation profonde de la société mais qu’ils n’ont pas de liens entre eux. A y regarder de plus près, la chose perd un peu de son évidence.

Qu’y a-t-il au cœur de la loi de Mme El Khomri ? La volonté de substituer les accords d’entreprises sur le temps de travail et les rémunérations à la loi et aux conventions collectives qui garantissent des règles communes à tous les salariés d’une même branche. Les conventions collectives sont protectrices car, prenant acte qu’au moment de signer un contrat de travail l’employé n’est pas à égalité avec l’employeur, elles mettent le salarié à l’abri des pressions patronales locales. Rappelons au passage que ces conventions doivent leur existence à l’action conjointe du Front populaire de 1936 et du programme du Conseil National de la Résistance adopté en 1944 et mis en œuvre à la libération. Et qui ont été les artisans de ces deux temps forts du progrès social en France ? Des syndicats et des partis de gauche parmi lesquels la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), l’ancêtre de l’actuel Parti Socialiste. Autrement dit les héritiers sont en train de bazarder le patrimoine à grands coups de 49.3 !
Bref, par la loi « Travail » le gouvernement est en train de satisfaire des revendications patronales visant à obtenir une main d’œuvre fragilisée, plus flexible et plus docile.
Il ne faudrait pas imaginer que cela ne nous concerne pas, nous enseignants et fonctionnaires. Cela nous concerne tout d’abord parce que nos actuels élèves sont les salariés de demain. Pouvons nous être indifférents au sort qui les attend ? Et cela nous concerne aussi parce que la société ne saurait tolérer très longtemps un écart accru entre des salariés du privé précarisés et des fonctionnaires dotés d’un statut jugé hyper protecteur. Ce fossé sera considéré comme scandaleux et ce sont les statuts des fonctionnaires qui seront remis en cause. Il faut regarder les choses en face et se dire que nous sommes les prochains sur la liste si nous ne réagissons pas.

Par ailleurs qu’y a-t-il au cœur de la réforme du collège ? La volonté de substituer un enseignement totalement centré sur des compétences dites transversales à un enseignement qui tentait d’articuler connaissances et savoir faire disciplinaires. L’épreuve phare du brevet va devenir une épreuve orale où seront essentiellement évaluées des compétences communicationnelles. Le contrôle continu sera réduit à une grille d’évaluation des compétences selon une échelle graduée de 10 en 10 entre 10 et 50. A quoi cela correspond-il ? A la volonté patronale de voir l’Ecole renoncer à sa mission de formation de citoyens éclairés pour devenir un outil apte à fournir une main d’œuvre formatée selon les normes de l’employabilité. Et surtout, il faut que l’Ecole abandonne l’idée qu’elle sert à délivrer des diplômes. A ce concept dépassé, il faut substituer celui de « Livret personnel de compétences » ou de « portefeuille individuel de compétences ». L’enjeu est lourd : le diplôme est un élément clé des conventions collectives et donc des garanties collectives en matière d’emploi. Un « portefeuille individuel de compétences » est l’instrument rêvé pour établir des contrats de travail au cas par cas. Il s’agit là aussi de permettre un déséquilibre toujours plus grand entre l’employé et l’employeur. Loi « Travail » et « réforme » du collège  sont les deux faces d’un même projet. Il faut les combattre de front.