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Par Martine Bulard - Le Monde Diplomatique

Selon les «éléments de langage» (expression branchée pour dire propagande) du gouvernement, les grèves du 5 décembre dans les transports, l'enseignement, les universités, les hôpitaux, parmi les policiers, etc., seraient menées par des privilégiés qui défendent leurs régimes spéciaux de retraite. Vieille tactique de division.

S'il est vrai que le droit de grève est mieux respecté dans les services publics - c'est aussi pour cela que les pouvoirs successifs s'acharnent à les démanteler -, la réforme des retraites concerne toute la population, salariés et chômeurs, et tous verront leur pension réduite - sauf les très, très, très gros salaires. La propagande n'a guère emporté la conviction. Et le mécontentement des couches populaires et moyennes, comme l'a montré la mobilisation des «gilets jaunes», est si profond que l'approbation ou le soutien à la grève l'emportent sur sa condamnation.

Pour faire passer la nécessité «incontournable» de la réforme, un énième rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) est tombé à pic le 21 novembre, qui conclut à un déficit d'ici à 2025 (0,7 point du produit intérieur brut). En réalité, le déficit est créé essentiellement par la non-compensation des exonérations de cotisations sociales par l'État (pour la première fois depuis la loi Veil de 1994), la forte baisse de la masse salariale (et donc des effectifs) de la fonction publique et quelques tours de passe-passe financiers. Le déficit «disparaît pratiquement si une autre convention comptable est adoptée», note et démontre Henri Sterdyniak.

M. Emmanuel Macron et ses porte-voix veulent gagner du temps en imposant tout de suite un recul de l'âge de départ à la retraite (devenu par le miracle de la novlangue l'«âge pivot» ou l'«âge d'équilibre»...) pour pouvoir mener leur grand-oeuvre : supprimer la retraite par répartition (nettement plus solidaire, même si elle est imparfaite) pour aller vers la retraite à points que réclament en choeur le patronat, la Commission européenne, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et - on peut le regretter - le patron de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), M. Laurent Berger.

Et de parer le système du magnifique adjectif «universel». Mais cela serait universel si chacun pouvait accéder aux mêmes droits quelle que soit sa situation de départ. Si, par exemple, un ouvrier pouvait vivre autant qu'un cadre, soit six ans de plus; ce qui impliquerait entre autres de nouvelles organisations du travail plus saines et moins intensives, un système de santé préventif et... des droits à la retraite plus précoces - rien d'utopique, mais toutes ces mesures restent hors du viseur patronal et gouvernemental. Or non seulement il n'y a rien de tout cela mais, avec le système proposé, le moindre accident de la vie entraînerait une baisse de la pension (ainsi que tous les accidents économiques)...

En effet, on n'accumulerait plus des droits comme aujourd'hui, mais des points qui seraient calculés selon le salaire. Vous gagnez beaucoup, vous avez beaucoup de points. Vous gagnez peu, vous en avez peu. Vous arrêtez de travailler, vous n'avez rien.

De plus, la somme de points accumulés tout au long de sa vie professionnelle ne suffirait pas à donner le niveau de la pension (...)

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