bannière site snes72

Comme une grande partie de la presse vos colonnes se sont faites aujourd'hui l'écho de l'annonce ministérielle d'une orientation nationale vers une évaluation des élèves qui se ferait en supprimant partiellement, voire totalement les notes. Cette annonce fait suite à toute une série d'expérimentations qui se sont développées depuis au moins un an, en particulier dans le département de la Sarthe. Nous avons déjà affirmé notre point de vue à ce sujet. Nous tenons à le ré-affirmer maintenant que l'affaire prend une tournure clairement nationale.

La logique de l'évaluation sans note implique qu'on ait totalement recours à une évaluation par compétences. Or l'emprunt de cette voie nous interroge car le Ministère, depuis deux ans, à choisi de considérablement simplifier la procédure de validation du livret de compétences dans le cadre du Brevet. Et il la fait car il a été forcé de reconnaître qu'il s'agissait d'une véritable « usine à cases», incompréhensible tant par les enseignants que par les élève et leurs parents. Il nous semble donc étrange de vouloir imposer cette méthode alors même qu'elle est remise en cause du haut en bas de l’éducation nationale.

Ensuite, nous ne voyons pas très bien en quoi une évaluation par compétences permettrait de «désamorcer l'angoisse du contrôle ». Un élève sait quand il est en situation d'évaluation. Que cette évaluation se solde par une lettre (A,B,C,D), une note chiffrée ou vignette verte, orange ou rouge ne change pas grand-chose à l'affaire. D'autant plus que tout autre système que la note est spontanément retraduit par une valeur chiffrée (A = 20, B = 16, C = 10...).

De même, les promoteurs de l'évaluation par compétences soutiennent qu'elle est « moins dévalorisante pour les élèves en difficulté ». Il faudrait nous expliquer en quoi une évaluation qui revient pleine de vignettes rouges est moins stigmatisante et moins décourageante qu'un 6 ou un 7.
Cette note dit aussi que tout dans la copie n'est pas mauvais, qu'il y a aussi des choses qui ont été réussies. En outre, une note ne tient que des propos limités : elle dit seulement « cette copie, celle qui a été rendue ce jour vaut tant ». Elle ne porte aucun jugement sur l'élève, sur ses dispositions, sur ce qu'il est. En cela, il nous semble qu'elle est plus respectueuse.

Les tenants de l’évaluation sans note se prévalent d’exemples étrangers qu'ils présentent comme des modèles absolus. Or tout n'est pas aussi rose qu'ils voudraient bien le laisser entendre. L’exemple du Québec est ainsi édifiant. La réforme du « Renouveau Pédagogique », basée sur la seule évaluation des compétences dans le secondaire, a été évaluée en 2010 au terme de 10 ans de mise en oeuvre. La quasi-totalité des indicateurs sont négatifs : moindre réussite des élèves dans le secondaire, perception moins positive de l’école tant par les élèves (discipline, mobilisation des compétences, motivation) que par les parents (appréciation des bulletins, qualité de l’apprentissage). Elle a abouti à une proposition de refonte complète de l’évaluation dans le primaire et le secondaire recentrée sur les connaissances acquises et des compétences disciplinaires en nombre réduit, le tout sous forme chiffrée dans un cadre de bulletin scolaire plus standardisé.

L’expérience d’évaluation « tout compétences » sans notes est loin d’être positive dans les autres pays plus proches de nous. Au Danemark, la notation est introduite tardivement et progressivement en fin de scolarité du secondaire ; le passage au lycée pose problème, avec 18 % d’élèves qui ne prolongent pas leurs études (contre 10 % en France). En Suisse, les évaluations par les seules compétences posent des problèmes importants de lisibilité du niveau et des progrès des élèves.
Le regard porté sur des mises en places généralisées et déjà anciennes invite à la prudence et surtout à ne pas faire un dogme du « sans note ». Avant d’opter pour tel ou tel type d’évaluation, il faut commencer par définir l’acte même d’évaluation et ce que l’on cherche à évaluer.

Le Kiosque

publi123 publi123 publi122 publi121
N° 124 N° 123 N° 122 N° 121