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Des centaines d’enseignants sont en disponibilité. Ils ne comprennent pas pourquoi le ministère ne fait pas appel à eux alors que ce dernier recrute des milliers de contractuels.
Voilà quatre ans que Gaëlle, professeure d’histoire-géographie de 55 ans, essaie d’obtenir sa mutation dans l’académie de Rennes, elle qui dépend toujours de l’académie de Toulouse. « En 2018, mon mari a trouvé un travail en Bretagne et pour moi, le parcours du combattant a commencé »​, sature cette enseignante qui, auparavant, faisait classe à Decazeville (Aveyron), de 2015 à 2018.
Faute de mutation la première année et ayant préféré suivre son mari en Bretagne, elle s’est donc placée en disponibilité de l’Éducation nationale en espérant une mutation l’année suivante. Une décision familiale, mais aussi financière puisqu’elle ne perçoit plus de salaire et ne cotise pas à la retraite.
Seulement, pour pouvoir prétendre à l’académie de Rennes, l’une des plus demandées, il faut avoir un nombre suffisant de points qui s’obtiennent tout au long de la carrière en fonction de l’ancienneté, des postes occupés, d’une mutation pour cause de rapprochement de conjoint…

Un système verrouillé
Or, malgré un nombre conséquent (plus de 800 points) et plusieurs années d’enseignement en région parisienne en début de carrière, « ma mutation a encore été refusée. Cette année, pour entrer en Bretagne, en tant que professeur d’histoire- géographie, il fallait 1 178 points ! » se désespère Gaëlle.
L’enseignante n’est pas un cas isolé. En début d’année, plusieurs professeurs bretons avaient adressé une lettre ouverte au ministre Jean-Michel Blanquer. En vain.
En France, ils seraient a minima plusieurs centaines dans ce cas. À l’heure où l’Éducation nationale recrute au moins 4 000 contractuels pour la rentrée scolaire, ces professeurs, qui restent sur le carreau et que leur ministère n’appelle pas pour des remplacements, sont désabusés, voire en colère.
Officiellement, les rectorats ne peuvent pas avoir recours à un enseignant en disponibilité. « C’est une jurisprudence de la cour administrative qui date de décembre 1989 : un fonctionnaire qui a été placé en dehors de son administration d’origine, ne peut être recruté par cette dernière, même temporairement », note Christophe Huguel du syndicat Sgen-CFDT. Autrement dit, ces enseignants en disponibilité, en attendant une mutation, doivent – s’ils veulent travailler – exercer un autre métier ou s’orienter vers des centres de formation…
Mais pour le syndicat Sgen-CFDT, le système est devenu absurde : « D’un côté, on recrute des CDD non formés qui, parfois, occupent des postes permanents. De l’autre, on n’a pas recours à des titulaires formés et expérimentés. On nage en plein paradoxe ! »
En cause, selon les syndicats : le système des mutations. « Il est verrouillé de partout. On n’arrive plus à muter d’un département à l’autre »​, ne peut que constater Guislaine David, porte-parole du SNUipp-FSU. Au ministère de l’Éducation, on indique, en effet, que seuls 20 % des enseignants du premier degré obtiennent satisfaction et 43 % du second degré.
Et c’est encore plus difficile dans l’Académie de Bretagne où il y a bien plus de demandes que de postes à se libérer. Pour obtenir satisfaction, « les barèmes explosent. C’est du jamais vu »​, reconnaît Christophe Huguel. Idem dans les académies de Nantes, Clermont-Ferrand, Montpellier… Au point que certains enseignants, lassés d’attendre, finissent par démissionner…
« D’un côté, le métier est de moins en moins attractif et on peine à recruter. De l’autre, des enseignants, faute de pouvoir rejoindre le département qu’ils souhaitent, partent. Le ministère perd sur les deux tableaux », déplore Christophe Huguel.
Les syndicats entendent bien mettre ce sujet sur la table des discussions qui s’ouvriront à l’automne avec le ministère.

Pierrick BAUDAIS.
Vendredi 26 aout 2022, Ouest-France

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