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Les tests HPI meilleurs que les notes des profs ?

Scolarité. Les tests de QI sont de plus en plus utilisés pour déterminer ou pas le haut potentiel intellectuel des enfants. Notamment au printemps, quand se décident les sauts de classe à l’école.

Entretien

Pourquoi un sociologue s’intéresse-t-il aux enfants à haut potentiel intellectuel (HPI) ?

La question de savoir qui dit ce que sont les enfants, notamment sur le plan intellectuel, m’intéressait. Ça peut être les parents, l’école et de plus en plus, on s’en remet à la psychométrie. C’est-à-dire la mesure des caractéristiques psychologiques, avec un test de quotient intellectuel (QI) par exemple.

Enfant surdoué, précoce, HPI… Quelle différence ?

La réponse est compliquée car les termes eux-mêmes sont des enjeux de lutte et cela a évolué avec le temps. Il y a trois grands moments en France : l’invention du terme de « surdoué » dans les années 1970, avec derrière, l’idée d’un don naturel. Dans les années 1990-2000, l’État parle « d’enfant intellectuellement précoce », d’une avance donc. Et depuis les années 2010, le terme HPI s’est imposé, renouant avec l’idée de don. Mais tous désignent la même chose : des enfants qui obtiennent un score supérieur à 130 à un test psychométrique.

Y a-t-il un profil type d’enfant HPI ?

Ce sont en majorité des garçons, issus des classes moyennes et supérieures, testés entre leurs 5 et 7 ans. Cette surreprésentation masculine se retrouve aussi dans les diagnostics de dyslexie, d’hyperactivité… C’est lié au stress particulier entourant la scolarité des garçons. L’âge s’explique aussi. La grande section de maternelle et le CE2 sont des classes plus « faciles à sauter ». Et il y a une sorte de saisonnalité dans les tests, avec un pic en avril-mai, qui correspond à la préparation des conseils d’école.

Est-ce une préoccupation « de riches » ?

La probabilité d’être HPI est clairement inégale suivant l’origine sociale. Le phénomène concerne davantage des enfants de classes moyennes et supérieures pour plusieurs raisons. La question de l’accès aux psychologues d’abord. Sachant que ces tests, non remboursés, coûtent entre 150 et 200 €. Puis il faut se sentir autorisé à remettre en question l’autorité de l’école, avoir certains codes aussi, ne serait-ce que pour écrire les courriers. C’est la question du rapport à l’école qui est en jeu. Et ce rapport diffère selon les classes.

C’est-à-dire ?

Pour que l’enfant soit déclaré HPI, il doit être testé. Il faut donc que cela ait un sens. Les parents le reconnaissent : s’ils pouvaient obtenir tous les « avantages » – la réassurance, la bienveillance enseignante, un saut de classe – que donne la reconnaissance du QI sans test, ils ne le feraient pas. Le sens, c’est la reconnaissance par un tiers de la précocité de l’enfant. Pour les classes populaires, c’est le professeur qui sait. Tandis que les classes moyennes et supérieures vont plutôt faire appel à une autre autorité, les psychologues. Au-delà du fort investissement des parents, cela dit que l’école a aujourd’hui de moins en moins de légitimité à dire ce que sont les enfants.

Recueilli par Charlotte HERVOT.  Mercredi 5 avril 2023, Ouest-France

(1) Auteur de La petite noblesse de l’intelligence – Une sociologie des enfants surdoués (25 €, éditions La Découverte).

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